Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/141

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SCÈNE XVIII.

marina.

— L’un et l’autre sont moins misérables que toi, — puisqu’ils te sont supérieurs de toute leur autorité. — Tu occupes une place contre laquelle le démon le plus accablé — de l’enfer n’échangerait pas la sienne sans dégradation ; — tu es l’introducteur damné du dernier gredin — qui vient ici chercher sa femelle ; — ton oreille est sujette aux horions furieux — du moindre maroufle ; ta nourriture même est faite — de ce qu’ont craché des gorges infectes !

boult.

Que voulez-vous que je fasse ? Que j’aille à la guerre où, après sept ans de service, on peut avoir une jambe de moins, et n’avoir pas au bout du compte assez d’argent pour s’en acheter une de bois !

marina.

— Fais tout, hormis ce que tu fais. Vide — de vieux réceptacles d’immondices, les égouts publics ; — fais-toi par contrat valet de bourreau ; — chacun de ces métiers-là vaut mieux que celui-ci. — Ta profession ! un babouin, — s’il pouvait parler, la déclarerait indigne de lui. — Oh ! si les dieux pouvaient me délivrer saine et sauve — de ce lieu ! Tiens, voici de l’or pour toi. — Si ton maître veut gagner quelque chose par moi, — annonce que je sais chanter, broder, coudre, danser, — sans compter d’autres mérites dont j’ai garde de me vanter ; — je me charge volontiers d’enseigner tout cela, — et je ne doute pas que cette cité populeuse — ne me fournisse bien des élèves.

boult.

Mais, vraiment, pouvez-vous enseigner tout ce que vous venez de dire ?

marina.

— S’il est prouvé que je ne le puis, ramenez-moi ici, — et prostituez-moi au plus vil maraud — qui fréquente votre maison.