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ÉDOUARD III.

cœur, quelle langueur — sa beauté provoque en moi.

lodowick.

Est-ce à une femme que j’écris ?

édouard.

— Quelle beauté autre pourrait ainsi triompher de moi ? — Et qui donc, si ce n’est les femmes, saluons-nous de nos chants d’amour ? — Ah çà ! supposais-tu que je te disais de louer un cheval ?

lodowick.

— De quelle condition, de quel rang est-elle ? — Il serait nécessaire que je le susse, milord.

édouard.

— Sa dignité est telle qu’elle est comme un trône — dont ma dignité n’est que le marchepied. — Tu peux donc juger quel est son rang, — par la proportion de sa puissance. — Écris, pendant que je la contemplerai en imagination…

Après une pause,

« … Sa voix à une musique ou au rossignol ? » — Le premier rustre venu, un saute-ruisseau compare à une musique — la parole de son amoureuse hâlée. — Et pourquoi parlerais-je ici du rossignol ? — Le chant du rossignol rappelle l’outrage d’un adultère ; — et ce rapprochement serait par trop satirique ; — car le péché, tout péché qu’il est, ne veut pas être estimé tel ; — bien au contraire, la vertu ici veut être traitée de péché, et le péché, de vertu. — « Sa chevelure, bien plus moelleuse que le fil du ver à soie, — telle qu’un miroir flatteur, prête un nouvel éclat — aux nuances de l’ambre blond. » Telle qu’un miroir flatteur — arrive trop vite ; car, quand je parlerai de ses yeux, — je dirai que, comme un miroir, ils réfléchissent le soleil — et que cette ardente réverbération rejaillit — sur mon sein et me brûle le cœur. — Ah ! quel monde de commentaires improvise mon âme — sur ce sujet choisi de l’amour !…