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SCÈNE III.

beauté, et sa beauté ses paroles. — Oh ! que ne suis-je une abeille, avide de miel, — pour emprunter à cette fleur un rayon de vertu, — au lieu d’être l’araignée envieuse et altérée de poison, — qui distille l’impureté qu’elle absorbe en un venin meurtrier !… — Sa conscience est aussi austère que sa beauté est charmante ; — trop stricte sentinelle d’une forteresse si belle ! — Oh ! que n’est-elle pour moi comme l’air que je respire ! — Mais que dis-je ? elle l’est ; car, quand je cherche à l’embrasser, — comme ceci, je ne parviens à étreindre que moi-même. — Il faut que je la possède ; car la raison et le remords — sont impuissants chasser ce fol amour.

Entre Warwick.

— Voici son père. Je vais agir sur lui — pour qu’il porte mes couleurs dans cette campagne d’amour.

warwick.

— Comment se fait-il que mon souverain soit si soucieux ? — qu’il me soit permis de connaître le chagrin de votre altesse, — et, pour peu que mes vieux efforts puissent le dissiper, — il ne tourmentera pas longtemps votre majesté.

édouard.

— Tu m’offres généreusement et spontanément un service — que j’allais me hasarder à te demander. — Mais, ô monde, grand nourricier de flatterie, — pourquoi bordes-tu les lèvres des hommes de paroles d’or, — et donnes-tu à leurs actes le poids du plomb massif, — en sorte qu’une loyale exécution ne suive jamais leurs promesses ? — Oh ! pourquoi l’homme ne respecte-t-il pas le texte secret du cœur, — et ne bâillonne-t-il pas la bouche bavarde, quand elle profère — des paroles menteuses qui ne sont pas inscrites là !