Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/240

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ÉDOUARD III.

se sont blottis d’effroi dans leurs cavernes ; — les feuilles ne bougent pas, le monde est assoupi et immobile, — les oiseaux ont cessé de chanter, et les ruisseaux errants — ne murmurent plus à leurs rives le salut familier. — Le silence guette quelque prodige, et attend — que le ciel proclame quelque prophétie. — Quel est le sens, quelle est la cause de ce silence, Charles ?

charles.

— Nos hommes, la bouche béante, l’œil fixe, — se considèrent comme s’ils attendaient — un mot les uns des autres, et pourtant pas un ne parle. — Une frayeur muette a fait partout la nuit, — et les paroles dorment dans toutes régions en éveil.

le roi jean.

— Tout à l’heure encore le soleil, dans tout son éclat, — regardait le monde du haut de son char d’or, — et soudain il s’est voilé ; — de telle sorte que la terre au-dessous est comme une tombe, — sombre, funèbre, silencieuse et désolée.

On entend des croassements de corbeaux.

— Écoutez ! quel est le cri sinistre que j’entends ?

charles.

— Voici mon frère Philippe qui vient.

le roi jean.

— Tout effaré.

Entre Philippe.

— Quelles terribles paroles ta mine présage-t-elle ?

philippe.

— Malheur ! Malheur !

le roi jean.

— Que parles-tu de malheur ? Ce mot pour nous est un mensonge.