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APPENDICE.

peut justifier la cause de mon hôte ; ni la trahison de Dionysiade. Et afin que chacun voie si je suis menteur, ou si ce sont ces traîtres, ceux qui ingratement font injure à Apollonie votre bienfaiteur, sus, ma fille Tharsie, entendez la voix de votre père, et laissant le manoir obscur de la mort qu’on suppose, présentez-vous telle que vous êtes à cette honorable compagnie.

Or était là Tharsie derrière le trône des magistrats voilée, et ayant la face couverte, et au reste vêtue et parée royalement : laquelle sortit avant, dès que son père l’appela, auquel, et à toute l’assemblée, elle fit une fort basse et humble révérence. Dionysiade ne l’eut pas sitôt aperçue, qu’elle la reconnut, et tremblant de frayeur, la parole lui défaillant, ne sut que répliquer : et plus encore fut-elle étonnée voyant l’esclave qu’on examina devant tous, et lequel confessa la charge qu’il avait eue de Dionysiade pour massacrer la princesse Tharsie. Ce fut lors que, par l’arrêt et sentence du magistrat, Stragulion et sa femme furent mis à mort, et leurs biens confisqués… Telle fin eurent les traverses, travaux et angoisses du prince tyrien, qui par l’espace de presque dix-huit ou vingt ans, ne cessa de courir fortune, et expérimenta que les grands une fois accablés, difficilement se remettent sus, eu égard au proverbe commun, qui dit que la chute d’un grand arbre mène plus grand bruit que d’un petit, et à l’ébranchement duquel plus de personnes y accourent. Ainsi reconnut Apollonie et se femme et sa fille, et fut prendre possession de ses terres et seigneuries, lui-même étant celui qui a laissé la mémoire de ce fait par écrit, et en a voulu faire part à la postérité : le style duquel suivant presque mot à mot le liseur m’excusera, et de ce que j’ai été un peu trop long, et du peu de grâce, ornement et gentillesse de langage que j’ai pratiqué en cette histoire, m’ayant suffi de vous la raconter nuement, et sans nul fard et couleur.