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INTRODUCTION.

Henry IV (1598), ni aux deux premières éditions de Henry V (1600-1601), ni à la première édition de Richard II (1597), ni à la première édition de Richard III (1597) ? Ces éclatants exemples prouvent surabondamment que ce n’est pas la signature qui fait l’authenticité d’un ouvrage. Personne ne conteste que Shakespeare soit l’auteur de Roméo et Juliette qu’il n’a jamais signé, et tous les critiques sont d’accord pour affirmer qu’il n’est pour rien dans certaines productions qui, comme Sir John Oldcastle et le Prodigue de Londres, ont été publiées, de son vivant, sous son nom. Parce qu’Édouard III, comme Roméo et Juliette, n’a jamais été reconnu publiquement par Shakespeare, ce n’est donc nullement un motif pour déclarer cette pièce apocryphe. Au surplus, s’il nous est impossible de dire pourquoi Shakespeare n’a jamais signé Roméo et Juliette, il nous est facile de deviner pourquoi il se serait refusé à s’avouer manifestement l’auteur d’Édouard III. Le motif est un motif politique qu’a entrevu un critique d’outre-Rhin, M. Ulrici. Selon le commentateur allemand, Shakespeare aurait craint de blesser la redoutable susceptibilité du roi Jacques Ier, en contresignant toutes les épigrammes qui, dans Édouard III, sont dirigées contre le peuple écossais. Ces épigrammes, fort inoffensives et fort licites alors que régnait sur l’Angleterre la geôlière de Marie Stuart, devenaient fort dangereuses après l’accession du fils de Marie Stuart au trône d’Élisabeth. De là l’anonyme prudemment et systématiquement gardé par Shakespeare. De là l’omission d’Édouard III par les éditeurs de l’in-folio de 1623. — L’explication est ingénieuse ; mais, à mon avis, elle n’est pas complètement satisfaisante. Si l’auteur d’Édouard III s’était borné à critiquer et à railler la nation écossaise, il n’eût guère été plus téméraire que l’auteur de Henry V comparant cette antique alliée de la France à la belette qui se faufile dans l’aire de l’aigle et la pille lâchement tandis qu’il