Page:Shakespeare, apocryphes - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 2.djvu/57

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INTRODUCTION.

tége si constamment la vertu contre les attentats du vice. Seul, sans défense et sans défiance, l’honnête maître Arden échappe à tous les dangers qui le menacent par l’entremise bienfaisante de l’inconnu. Menacé à son insu, il est sauvegardé, à son insu, par une sympathique influence qui, aux ennemis ameutés autours de lui, suscite continuellement des obstacles imprévus ; tantôt c’est le bizarre scrupule d’un complice, tantôt c’est l’arrivée inopinée d’un passant, tantôt c’est la chute comique d’un châssis de fenêtre, tantôt c’est la brusque obscurité produite en plein jour par un brouillard étrange qui détourne le coup meurtrier. Grâce à ces menus empêchements qu’une ruse supérieure oppose à la fourberie humaine, Arden déjoue victorieusement le complot tramé contre sa vie. Fort de sa probité, il reste invulnérable au crime jusqu’au jour où lui-même commet le mal. — Pour la cinquième fois il vient d’esquiver la mort, quand un pauvre paysan, nommé Read, vient réclamer de lui un petit champ dont Arden l’a injustement dépossédé. Arden est riche ; il pourrait, sans grand sacrifice, réparer son tort en restituant ce champ qui suffirait à faire vivre une malheureuse famille ; au lieu d’accéder à une si juste demande, il la repousse durement ; le paysan se venge du refus en maudissant Arden : « Arden, s’écrie-t-il, je te parle dans l’agonie de mon âme, puisse le morceau de terre que tu détiens à mon détriment t’être ruineux et fatal ! puisses-tu y être massacré par tes plus chers amis, on y être amené pour faire la stupéfaction des hommes, ou y devenir fou et y finir tes jours maudits ! » C’est de cet humble anathème que va jaillir la catastrophe finale. Ce champ, qu’Arden a usurpé, exige désormais le cadavre d’Arden. L’unique mauvaise action commise par cet honnête homme lui aliène provisoirement la bienveillance de la destinée et le livre désarmé à la coalition des passions néfastes acharnées contre lui. Le guet-apens, jusqu’ici dé-