Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1862, tome 5.djvu/70

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de ses murailles, et qui tout à l’heure, quand je vous ai demandé, m’a refusé l’entrée ; et je forcerai la main à son avare hospitalité.

Lear. – Ma raison commence à revenir – Viens, mon enfant ; comment te trouves-tu, mon enfant ? As-tu froid ; j’ai froid aussi. Où est cette paille, mon ami ? Que la nécessité est étrangement habile à nous rendre précieuses les choses les plus viles ! — Montrez-moi votre hutte – Pauvre fou, pauvre garçon, j’ai encore dans mon cœur une place qui souffre pour toi.

Le fou. – Celui qui a un petit peu de bon sens doit recevoir en chantant le vent et la pluie, et se contenter de sa situation, car la pluie tombe tous les jours.

Lear. – Oui, tu as raison, mon bon garçon. Allons, conduisez-nous à cette hutte.

Lear et Kent sortent.

Le fou. – Voilà une honnête nuit pour rafraîchir une courtisane. Il faut qu’avant de m’en aller je fasse une prédiction.

Quand les prêtres auront plus de paroles que de science ; Quand les brasseurs gâteront leur bière avec de l’eau ; Quand les nobles donneront des idées à leurs tailleurs ; Quand les hérétiques ne seront plus brûlés, mais bien ceux qui suivent les filles ; Quand tous les procès seront bien jugés ; Qu’il n’y aura pas d’écuyers endettés, Ni de chevaliers pauvres ; Quand les langues ne répandront plus la médisance ; Que les coupeurs de bourses ne chercheront plus la foule ; Que les usuriers compteront leur or en plein champ ; Que les entremetteurs et les prostituées bâtiront des églises ; Alors le royaume d’Albion, Tombera en grande confusion,