Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/144

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HENRI VIII.

BUCKINGHAM.—Oh ! il y en a beaucoup dans ce grand voyage qui se sont cassé les reins à porter sur eux leurs domaines. Et que nous a servi toute cette parade ? à nous ménager des négociations dont le résultat est bien pitoyable. NORFOLK.—Malheureusement, la paix conclue entre la France et nous ne vaut pas ce qu’il nous en a croûté pour la conclure. BUCKINGHAM.—Aussi, après l’effroyable orage qui suivit la conclusion, chacun se trouva prophète ; et tous, sans s’être consultés, prédirent à la fois que cette tempête, en déchirant la parure de la paix, donnait lieu de présager qu’elle serait bientôt rompue. NORFOLK.—L’événement vient d’éclore ; car la France a rompu le traité : elle a saisi nos marchandises à Bordeaux. ABERGAVENNY.—Est-ce donc pour cela qu’on a refusé de recevoir l’ambassadeur ? NORFOLK.—Oui, sans doute. ABERGAVENNY.—Vraiment une belle paix de nom ! Et à quel prix ruineux l’avons-nous achetée ! BUCKINGHAM.—Voilà pourtant l’ouvrage de notre vénérable cardinal ! NORFOLK.—N’en déplaise à Votre Grâce, on remarque à la cour le différend particulier qui s’est élevé entre vous et le cardinal. Je vous donne un conseil, et prenez-le comme venant d’un cœur à qui votre honneur et votre sûreté sont infiniment chers ; c’est de considérer tout ensemble la méchanceté et le pouvoir du cardinal, et de bien songer ensuite que lorsque sa profonde haine voudra venir à bout de quelque chose, son pouvoir ne lui fera pas défaut. Vous connaissez son caractère, combien il est vindicatif ; et je sais, moi, que son épée est tranchante : elle est longue, et on peut dire qu’elle atteint de loin ; et où elle ne peut atteindre, il la lance : Enfermez mon conseil dans votre cœur ; vous le trouverez salutaire.—Tenez, vous voyez approcher l’écueil que je vous avertis d’éviter.

(Entrent le cardinal Wolsey, la bourse portée devant lui,