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ACTE III, SCÈNE I.

WOLSEY. — Madame, vous outragez par ces frayeurs la tendresse du roi : vous avez beaucoup d’espérances et beaucoup d’amis. CATHERINE. — Ce que j’en ai en Angleterre m’est de bien peu d’avantage. Pouvez-vous penser, milords, qu’aucun Anglais ose me donner conseil ? ou s’il s’en trouvait quelqu’un qui fût assez insensé pour me servir loyalement, pensez-vous, lorsqu’on saurait qu’il me soutient contre la volonté de Sa Majesté, qu’il vécut longtemps sous sa domination ? Non, non, mes amis, ceux qui doivent par leurs conseils écarter mes afflictions, ceux à qui doit s’attacher ma confiance, ne vivent point ici ; ils sont, ainsi que toutes mes autres consolations, loin d’ici, dans mon pays, milords. CAMPEGGIO. — Je voudrais que Votre Majesté voulût faire trêve à ses chagrins et accepter mon conseil. CATHERINE. — Quel conseil, milord ? CAMPEGGIO. — Remettez votre cause à la protection et à la bonté du roi. Il vous aime, il est généreux : votre honneur et votre cause y gagneraient beaucoup ; car si vous la perdez devant la loi, vous vous séparez de lui disgraciée. WOLSEY. — Le cardinal vous parle avec sagesse. CATHERINE. — Vous m’apprenez ce que vous souhaitez tous deux, ma ruine. Est-ce là votre conseil chrétien ? — Loin de moi, tous deux ! Le ciel est encore au-dessus de tout. Là siége un juge qu’aucun roi ne peut corrompre. CAMPEGGIO. — Votre colère vous trompe sur nos intentions. CATHERINE. — La honte en est à vous. Je vous ai pris pour deux saints personnages ; oui, sur mon âme, deux vertus cardinales : mais vous êtes, je le crains bien, des péchés cardinaux, et des cœurs faux. Par l’honneur ! amendez-vous, milords. — Sont-ce là vos consolations, le cordial que vous apportez à une malheureuse femme, à une femme sans secours au milieu de vous, raillée, outragée ? Je ne vous souhaiterai pas la moitié de mes misères : j’ai plus de charité ; mais souvenez-vous que je vous ai avertis : prenez garde, au nom du ciel, prenez