Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/422

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rait de celles du jeune homme avec les siennes ; mais pendant qu’elle reprenait haleine, le voilà qui s’échappe sans vouloir comprendre ce qu’elle voulait dire et ce dont elle avait envie. Ah ! si je pouvais tenir ma dame en cette passe pour m’embraser et me tenir dans ses bras jusqu’à ce que je prisse la fuite !

X

La vieillesse morose et la jeunesse ne peuvent vivre ensemble ; la jeunesse est pleine d’agréments, la vieillesse est pleine de soucis ; la jeunesse est comme une matinée d’été, la vieillesse est comme un ciel d’hiver ; la jeunesse est brillante comme l’été, la vieillesse dépouillée comme l’hiver ; la jeunesse est pleine de gaieté, la vieillesse a l’haleine courte ; la jeunesse est leste, la vieillesse infirme ; la jeunesse est hardie et bouillante, la vieillesse est faible et glacée ; la jeunesse est indomptée, la vieillesse est molle. Vieillesse, je t’abhorre, jeunesse, je t’adore ; celle que j’aime, celle que j’aime est jeune ! Vieillesse, je te défie ; oh ! doux berger, va-t’en, il me semble que tu restes bien longtemps.

XI

La beauté n’est qu’une vanité dont la valeur est douteuse, un vernis brillant qui disparaît tout d’un coup, une fleur qui meurt lorsqu’elle commence à fleurir, un verre fragile qui se casse en un instant, une vanité douteuse, un vernis, un verre, une fleur, perdue, brisée, morte en une heure.

Et comme les biens perdus se retrouvent rarement ou jamais, comme c’est en vain qu’on frotte pour ranimer un vernis disparu, comme les fleurs mortes se flétrissent à terre, comme il n’y a point de ciment qui puisse réparer un verre cassé, de même la beauté une fois altérée est perdue à jamais, en dépit des remèdes, du fard, des peines et des dépenses.

XII

Bonne nuit, dormez bien. Ah ! ni l’un ni l’autre ne sera mon partage ; elle me dit bonne nuit, elle qui éloigne de moi le repos, et elle m’envoie sous un toit tendu de soucis pour réfléchir aux inquiétudes que me cause ma défaveur. Portez-vous bien, a-t-elle dit, revenez demain ; je ne pouvais me bien porter, je me suis nourri de chagrin pour mon souper. Cependant, en me voyant partir, elle a souri doucement ; par dédain ou par amitié, je n’en sais rien ; peut-être se réjouissait-elle de se moquer de mon exil, peut-être voulait-elle que je revinsse errer près d’elle ; errer, c’est un mot fait pour les ombres comme moi, qui prennent toute la peine sans pouvoir s’emparer du profit.

XIII

Seigneur, quels regards mes yeux lancent vers l’Orient ! Mon cœur veille, le lever du matin rappelle tous les sens de leur oisif repos. N’osant pas me lier au témoignage