Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Guizot, Didier, 1863, tome 8.djvu/458

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Pourquoi mes vers sont-ils si stériles en orgueil nouveau, si loin de

toute variation et de tout changement rapide ? Pourquoi avec le temps
n’ai-je pas l’idée de jeter un regard de côté sur les méthodes nouvelles
et leurs arrangements étranges ? Pourquoi écrivé-je toujours de la même
manière, restant toujours le même, et revêtant mes inventions d’un habit
si bien connu que chaque mot dit presque mon nom, indique leur naissance
et d’où ils sont venus ? Sachez, mon ami bien-aimé, que je parle toujours
de vous. Vous êtes avec l’amour mon éternel sujet ; ainsi, tout ce que je
fais de mieux, c’est d’habiller d’anciennes paroles, et de recommencer à
dépenser ce que j’ai déjà dépensé, car de même que le soleil est tous
les jours nouveau et ancien, de même mon amour répète toujours ce qu’il

a déjà dit.


Sonnets
LXXVII
Ton miroir te montrera comment ta beauté se fane ; ton cadran, comment

tes précieuses minutes s’envolent ; les feuilles blanches prendront
l’empreinte de ton esprit, et tu peux goûter la science de ce livre. Les
rides que ton miroir te montrent à bon droit rappelleront à ta mémoire
les tombeaux ouverts ; d’après la fuite de l’ombre sur ton cadran, tu
peux apprendre la marche perfide du temps vers l’éternité. Ce que ta
mémoire ne peut conserver, vois, transmets-le à ces espaces déserts et
tu verras que ces enfants nourris, enfantés par ton cerveau te feront
faire une nouvelle expérience de ton esprit. Toutes les fois que tu te

livreras à ces occupations, tu en profiteras et tu enrichiras ton livre.


Sonnets
LXXVIII
Je t’ai si souvent invoqué pour ma muse, et j’y ai trouvé une si

généreuse assistance pour mes vers, que toutes les plumes étrangères ont
adopté le même usage et dispensent leur poésie sous tes auspices. Tes
yeux qui ont appris aux muets à chanter dans les airs, à la pesante
ignorance à planer dans les cieux, ont ajouté des plumes à l’aile du
savant, et ont octroyé à la bonne grâce une double majesté. Cependant
sois fier surtout de ce que je produis, l’influence en est tienne, tout
est né de toi, tu ne fais que perfectionner le style des ouvrages
d’autrui et ajouter tes grâces à l’art de l’écrivain ; mais