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HAMLET.

hamlet. — La pointe envenimée aussi ! Alors, venin, fais ton œuvre !

(Il frappe le roi.)

osrick et les seigneurs. — Trahison ! trahison !

le roi. — Oh ! défendez-moi encore, amis, je ne suis que blessé.

hamlet. — Tiens, toi, incestueux, assassin, damnable roi, achève ce breuvage ! Est-elle là dedans, ta belle alliance ? Eh bien ! va rejoindre ma mère [1].

(Le roi meurt.)

laërtes. — Il est servi selon ses mérites ! C’est un poison préparé par lui-même… Échange le pardon avec moi, noble Hamlet ; que ma mort et celle de mon père ne tombent pas sur toi, ni la tienne sur moi !

(Il meurt.)

hamlet. — Que le ciel t’en absolve ! je te suis. Je suis mort, Horatio. Reine misérable, adieu… ! Vous, que je vois pâlir et trembler à ce coup, vous qui n’êtes, au milieu d’un tel spectacle, que des muets ou un public, si seulement j’avais le temps !… car c’est un huissier féroce que la mort, et strict à signifier ses arrêts… Oh je vous dirais… mais, laissons cela… Horatio je suis mort, tu vis ; redresse Hamlet et sa cause, aux yeux des mécontents.

horatio. — N’y comptez pas ; je tiens plus de l’ancien Romain que du Danois. Il reste ici un peu de liqueur.

  1. Le texte porte :

    Drink of this potion. Is thy union here ?
    Follow my mother.

    On appelait union toute perle de beauté rare et qu’on pouvait croire ou prétendre unique en son genre. Mais ici, très-probablement, par un dernier sarcasme tout à fait conforme à ses habitudes de langage, Hamlet équivoque sur l’autre sens d’union ; ce qu’il nous semble sous-entendre pourrait se développer ainsi : « Est-ce là qu’est ta perle, le gage empoisonné de ta feinte union avec moi ? Eh bien ! qu’il te réunisse à ta femme maintenant ! » Notre mot français alliance, avec son second sens familier bague de mariage, se prête à un sous-entendu équivalent qui nous a seulement causé une très-légère addition, plus haut (v. p. 277, note 2) ; en l’avouant et en l’expliquant, le traducteur a cru pouvoir se la permettre.