Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/181

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LÉARTES.

Oh ! il est le bienvenu ! Il l’est, sur mon âme ! — Mon cœur bondit de joie — de ce que je vivrai pour lui dire : — Vous allez mourir.

LE ROI.

Léartes, prenez patience. Laissez-moi vous guider, — et votre vengeance ne se fera pas attendre.

LÉARTES.

Ma volonté sera faite en dépit du monde entier[1].

LE ROI.

Soit ! Mais, Léartes, écoutez le plan que j’ai formé. — J’ai entendu souvent Hamlet, — sur l’éloge qu’on faisait devant lui — de votre lame, souhaiter avidement — de se mesurer avec vous pour éprouver votre savoir.

LÉARTES.

Où voulez-vous en venir ?

LE ROI.

Morbleu, Léartes, à ceci : Je parierai — pour Hamlet, et vous l’avantagerez, — afin d’augmenter son désir — de tenter la victoire. Je parierai que, sur douze bottes, — vous n’en prendrez pas trois de plus que lui. Ceci étant convenu, — quand vous serez échauffés, au milieu de l’assaut, — vous prendrez parmi les fleurets une épée affilée, — trempée dans un mélange empoisonné si terrible, — que, si une seule goutte de sang coule — de n’importe quelle partie de son corps, il est sûr de mourir. — Vous pouvez faire cela sans vous exposer au soup-

  1. On retrouve cette pensée dans la scène xvi du second Hamlet, au moment où Laertes déclare au roi qu’il est résolu à sacrifier sa vie dans les deux mondes pour venger son père :
    « LE ROI.

    « Qui donc vous arrêterait ?

    « LAERTES.

    « Ma volonté, non celle du monde entier. »