Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/253

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POLONIUS.

Que voulez-vous dire par là ?

À part.

Toujours à rabâcher de ma fille !… Cependant il ne m’a pas reconnu d’abord ; il m’a dit que j’étais un marchand de poisson. Il n’y est plus ! il n’y est plus ! et, de fait, dans ma jeunesse, l’amour m’a réduit à une extrémité bien voisine de celle-ci. Parlons-lui encore… Que lisez-vous là, monseigneur ?

HAMLET.

Des mots, des mots, des mots, des mots.

POLONIUS.

De quoi est-il question, monseigneur ?

HAMLET.

Entre qui ?

POLONIUS.

Je demande de quoi il est question dans ce que vous lisez, monseigneur !

HAMLET.

De calomnies, monsieur ! Ce coquin de satiriste dit que les vieux hommes ont la barbe grise et la figure ridée ; que leurs yeux jettent une ambre, épaisse comme la gomme du prunier ; qu’ils ont une abondante disette d’esprit, ainsi que des jarrets très-faibles. Toutes choses, monsieur, que je crois de toute ma puissance et de tout mon pouvoir, mais que je regarde comme inconvenant d’imprimer ainsi : car vous-même, monsieur, vous auriez le même âge que moi, si, comme une écrevisse, vous pouviez marcher à reculons.

POLONIUS, à part.

Quoique ce soit de la folie, il y a pourtant là de la suite.

Haut.

Irez-vous changer d’air, monseigneur ?