Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/256

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HAMLET.

Une vaste prison, dans laquelle il y a beaucoup de cellules, de cachots et de donjons. Le Danemark est un des pires.

ROSENCRANTZ.

Nous ne sommes pas de cet avis, monseigneur.

HAMLET.

C’est qu’alors le Danemark n’est point une prison pour vous ; car il n’y a de bien et de mal que selon l’opinion qu’on a. Pour moi, c’est une prison.

ROSENCRANTZ.

Soit. Alors, c’est votre ambition qui en fait une prison pour vous ; votre pensée y est trop à l’étroit.

HAMLET.

Ô Dieu ! je pourrais être enfermé dans une coquille de noix, et me regarder comme le roi d’un espace infini, si je n’avais pas de mauvais rêves.

GUILDENSTERN.

Ces rêves-là sont justement l’ambition ; car toute la substance de l’ambition n’est que l’ombre d’un rêve.

HAMLET.

Un rêve n’est lui-même qu’une ombre.

ROSENCRANTZ.

C’est vrai, et je tiens l’ambition pour chose si aérienne et si légère, qu’elle n’est que l’ombre d’un rêve.

HAMLET.

En ce cas, nos gueux sont des corps, et nos monarques et nos héros démesurés sont les ombres des gueux… Irons-nous à la cour ? car, franchement, je ne suis pas en train de raisonner.

ROSENCRANTZ ET GUILDENSTERN.

Nous vous accompagnerons.

HAMLET.

Il ne s’agit pas de cela, je ne veux pas vous confondre