Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/265

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À ces vils massacres. Rôti par la fureur et par le feu,
Et ainsi enduit de caillots coagulés,
Les yeux comme des escarboucles, l’infernal Pyrrhus
Cherche l’ancêtre Priam…

Maintenant, continuez, vous.

POLONIUS.

Par Dieu ! monseigneur, voilà qui est bien dit ! bon accent et bonne mesure !

PREMIER COMÉDIEN.

Bientôt il le trouve
Lançant sur les Grecs des coups trop courts ; son antique épée,
Rebelle à son bras, reste où elle tombe,
Indocile au commandement. Lutte inégale !
Pyrrhus pousse à Priam ; dans sa rage, il frappe à côté ;
Mais le sifflement et le vent de son épée cruelle suffisent
Pour faire tomber l’aïeul énervé. Alors Ilion, inanimée,
Semble ressentir ce coup ; de ses sommets embrasés
Elle s’affaisse sur sa base et, dans un fracas affreux,
Fait prisonnière l’oreille de Pyrrhus. Mais tout à coup son épée,
Qui allait tomber sur la tête blanche comme le lait
Du vénérable Priam, semble suspendue dans l’air.
Ainsi Pyrrhus est immobile comme un tyran en peinture ;
Et, restant neutre entre sa volonté et son œuvre,
Il ne fait rien.
Mais, de même que nous voyons souvent, à l’approche de l’orage,
Le silence dans les cieux, les nuages immobiles,
Les vents hardis sans voix, et la terre au-dessous
Muette comme la mort, puis tout à coup un effroyable éclair
Qui déchire la région céleste ; de même, après ce moment d’arrêt,
Une fureur vengeresse ramène Pyrrhus à l’œuvre ;
Et jamais les marteaux des Cyclopes ne tombèrent
Sur l’armure de Mars, pour en forger la trempe éternelle,
Avec moins de remords que l’épée sanglante de Pyrrhus
Ne tombe maintenant sur Priam.
Arrière, arrière, Fortune ! prostituée ! Vous tous, dieux
Réunis en synode général, enlevez-lui sa puissance ;
Brisez tous les rayons et toutes les jantes de sa roue,