Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
de laquelle sont suspendues et liées — tant d’autres existences. Le décès d’une majesté — n’est pas la mort d’un seul : comme l’abîme, elle attire — à elle ce qui est près d’elle. C’est une roue colossale — fixée sur le sommet de la plus haute montagne, — et dont une myriade d’êtres subalternes, emboîtés et réunis, — forment les rayons gigantesques : quand elle tombe, — tous ces petits fragments, ces menus accessoires — sont entraînés dans sa ruine bruyante. Un roi ne rend jamais — le dernier soupir que dans le gémissement de tout un peuple.
LE ROI.

— Équipez-vous, je vous prie, pour ce pressant voyage ; — car nous voulons enchaîner cet épouvantail — qui va maintenant d’un pas trop libre.

ROSENCRANTZ ET GUILDENSTERN.

Nous allons nous hâter.

Sortent Rosencrantz et Guildenstern.
Entre Polonius.
POLONIUS.

— Monseigneur, il se rend dans le cabinet de sa mère ; — je vais me glisser derrière la tapisserie — pour écouter la conversation. Je garantis qu’elle va le tancer vertement ; — mais, comme vous l’avez dit, et dit très-sagement, — il est bon qu’une autre oreille que celle d’une mère (car la nature rend les mères partiales) recueille — adroitement ses révélations. Adieu, mon suzerain. — J’irai vous voir avant que vous vous mettiez au lit, — pour vous dire ce que je saurai.

LE ROI.

Merci, mon cher seigneur !

Sort Polonius.

— Oh ! ma faute fermente, elle infecte le ciel même ; — elle porte avec elle la première, la plus ancienne ma-