Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/332

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LAERTES.

Je m’y perds, monseigneur. Mais qu’il vienne ! — Je sens se réchauffer mon cœur malade, — à l’idée de vivre et de lui dire en face : — Voilà ce que tu as fait !

LE ROI.

S’il en est ainsi, Laertes… — comment peut-il en être ainsi ?… — comment peut-il en être autrement ?… laissez-vous mener par moi, voulez-vous ?

LAERTES.

Oui, monseigneur, — pourvu que vous ne me meniez pas à faire la paix.

LE ROI.

— Si fait, la paix avec toi-même. S’il est vrai qu’il soit de retour, — et que, reculant devant ce voyage, il soit résolu — à ne plus l’entreprendre, je le soumettrai — à une épreuve, maintenant mûre dans ma pensée, — à laquelle il ne peut manquer de succomber. — Sa mort ne fera pas murmurer un souffle de blâme, — et sa mère elle-même en absoudra la cause — et n’y verra qu’un accident.

LAERTES.

Monseigneur, je me laisse mener ; — d’autant plus volontiers, si vous faites en sorte — que je sois l’instrument.

LE ROI.

Voilà qui tombe bien. — Depuis votre voyage, on vous a beaucoup vanté, — et cela en présence d’Hamlet, pour un talent — où vous brillez, dit-on : toutes vos qualités — réunies ont arraché de lui moins de jalousie — que celle-là seule qui, à mon avis, — est de l’ordre le plus insignifiant.

LAERTES.

Quelle est cette qualité, monseigneur ?