Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 1.djvu/60

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dans du bois qui portaient la mort d’Amleth, ainsi qu’il la commandait à l’Anglais. Mais le rusé prince danois, tandis que ses compagnons dormaient, ayant visité le paquet et connu la grande trahison de son oncle et la méchanceté des courtisans qui le conduisaient à la boucherie, rasa les lettres mentionnant sa mort, et au lieu y grava et cisela un commandement à l’Anglais de faire pendre et étrangler ses compagnons : et non content de tourner sur eux la mort ordonnée pour sa tête, il y ajouta que Fengon commandait au Roi insulaire de donner au neveu du Roi sa fille en mariage.

» Arrivés qu’ils sont en la Grande-Bretagne, les messagers se présentent au Roi et lui donnent des lettres de leur seigneur, lequel voyant le contenu d’icelles dissimula le tout, attendant son opportunité de mettre en effet la volonté de Fengon. Cependant il traita les Danois fort gracieusement et leur fit cet honneur de les recevoir à sa table. Comme les messagers s’éjouissaient parmi les Anglais, le cauteleux Amleth, tant s’en faut qu’il s’éjouît avec la troupe, qu’il ne voulut toucher viande ni breuvage quelconque qu’on servit à la table royale. Le Roi, qui sur l’heure dissimula ce qu’il en pensait, fit conduire ses hôtes en leur chambre, enjoignant à un sien loyal de se cacher dedans pour lui rapporter les propos tenus par les étrangers en se couchant. Or ne fûrent-ils si tôt dans la chambre qu’étant sortis ceux qui avaient la charge de les traiter, les compagnons d’Amleth ne lui demandassent pour quelle occasion il avait dédaigné et les viandes et la boisson qu’on lui avait présentées à table et n’avait honoré la table d’un si grand Roi qui les avait recueillis avec telle honnêteté et courtoisie. Le Prince, qui n’avait rien fait sans raison, leur répondit tout soudain : — Eh quoi ! pensez-vous que je veuille manger le pain trempé avec le sang humain, et souiller mon gosier