Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1865, tome 2.djvu/209

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à moi par Sycorax ma mère ; — tu me l’as prise… Lors de ton arrivée ici, — tu me caressais et me gâtais ; tu me donnais — de l’eau, avec des baies dedans ; et tu m’apprenais — à nommer la grosse et la petite lumière — qui brûlent le jour et la nuit ; et alors je t’aimai, — je te montrai toutes les ressources de l’île, — les ruisseaux d’eau douce, les bassins de saumure, les endroits arides et les fertiles. — Maudit sois-je de l’avoir fait !… Que tous les charmes — de Sycorax, crapauds, escarbots, chauves-souris fondent sur vous ! — Car je suis tous vos sujets, — moi qui étais mon propre roi, et vous me donnez pour souille — ce roc dur, tandis que vous m’enlevez — le reste de mon île.
PROSPERO.

Misérable menteur ! — sensible aux coups, non aux bienfaits ! je t’ai traité, — carogne que tu es, avec un soin humain, et je t’ai logé — dans ma propre grotte, jusqu’au jour où tu as essayé de violer — l’honneur de mon enfant.

CALIBAN.

Oho ! oho ! que n’ai-je réussi ! — Tu m’as empêché. Autrement, j’aurais peuplé — cette île de Calibans (18) !

PROSPERO.

Esclave abhorré — qui ne peux garder aucune empreinte de bonté, — étant capable de tout mal ! j’ai eu pitié de toi. — J’ai pris la peine de te faire parler, en t’enseignant à toute heure — une chose ou l’autre. Quand tu ne savais pas, sauvage, — ce que toi-même tu voulais dire, quand tu balbutiais — comme une brute, je donnais à tes pensés — les mots qui les faisaient connaître. Mais ta vile nature, — quoi que tu apprisses, était telle que de bonnes créatures — ne pouvaient en admettre le contact. Aussi as-tu été — justement confiné dans ce rocher, — toi qui aurais mérité plus qu’une prison !