Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/202

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dez-vous donc — à rendre votre juste hommage — à celui qui y a droit, je veux dire à ce jeune prince : — et alors nos armes, semblables à un ours muselé, — n’auront plus de terrible que l’aspect ; — la malice de nos canons sera vainement dépensée — contre les nuées invulnérables du ciel ; — puis, faisant sans trouble une bienheureuse retraite, — sans une entaille à nos épées, sans une fêlure à nos casques, — nous rapporterons chez nous ce sang généreux — que nous étions venus verser contre votre ville, — et nous vous laisserons en paix, vous, vos enfants et vos femmes. — Mais, si vous dédaignez follement notre offre, — ce n’est pas l’enceinte de vos murs décrépits — qui vous garantira contre nos messagers de guerre, — quand même tous ces Anglais disciplinés — seraient réfugiés dans leur rude circonférence. — Parlez donc : recevrons-nous de votre ville ce titre de maître — que nous venons de réclamer pour notre protégé ? — ou devons-nous donner le signal à notre rage, — et marcher dans le sang sur nos possessions ?
LE CITOYEN.

— Je serai bref. Nous sommes les sujets du roi d’Angleterre ; — c’est pour lui et pour ses droits que nous tenons cette ville.

LE ROI JEAN.

— Reconnaissez donc le roi, et faites-moi entrer.

LE CITOYEN.

— Cela, nous ne le pouvons pas : nous ne prouverons notre loyauté — qu’à celui qui prouvera sa royauté ; jusque là, — nous tiendrons nos portes barricadées contre le monde entier.

LE ROI JEAN.

— La couronne d’Angleterre ne prouve-t-elle pas la royauté ? — Si cela ne suffit pas, je vous amène comme témoins — trente mille braves de race anglaise !