Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/22

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le but de jouir de leurs terres, de leurs biens et de leurs possessions ; enfin, pour vous montrer quels maux peut vous causer mon insatiable cupidité, je vous raconterai une fable. Il y avait un renard qui avait une plaie couverte d’un essaim de mouches, lesquelles suçaient continuellement son sang ; un jour, quelqu’un qui passait, ayant vu son tourment, lui offrit de chasser ces mouches de son côté : « Non, répondit-il, car, si ces mouches qui sont déjà pleines, et qui par cette raison ne sucent plus très-avidement, étaient chassées, d’autres qui sont vides et affamées voleraient vite à leur place, et suceraient le reste de mon sang, en me causant beaucoup plus de douleurs que celles-ci qui, étant assouvies, ne me font plus tant souffrir. » Ainsi, ajouta Malcolm, laissez-moi rester où je suis, de peur que, si j’arrive au gouvernement de votre royaume, mon avarice inextinguible ne vous fasse bien vite trouver vos misères actuelles bien douces en comparaison des outrages incommensurables qui pourraient résulter de ma venue au milieu de vous.

» À cela Macduff répondit : — C’est un défaut bien pire que l’autre ; car l’avarice est la racine de tous les crimes, et pour ce vice la plupart de nos rois ont été tués et entraînés à leur chute. Mais néanmoins, suis mon conseil et prends la couronne. Il y a assez d’or et de richesses en Écosse pour satisfaire tes plus avides désirs.

» — Mais, poursuivit Malcolm, ce n’est pas tout : je suis incliné à la dissimulation, diseur de mensonges et de toutes sortes de faussetés ; par nature, je n’ai pas de plus grande jouissance que de tromper et de trahir ceux qui ont quelque foi et quelque confiance dans mes paroles. Donc, s’il est vrai que rien ne sied mieux à un prince que la constance, la vérité, la franchise, la justice, et tout ce louable cortége de belles et nobles ver-