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LE ROI JEAN.

LOUIS.

— Mais que gagnerai-je à la chute du jeune Arthur ?

PANDOLPHE.

— Vous ! au nom de madame Blanche, votre femme, — vous pourrez réclamer tous les droits d’Arthur.

LOUIS.

— Et les perdre tous avec la vie, comme Arthur.

PANDOLPHE.

— Que vous êtes peu mûr et novice pour ce vieux monde ! — C’est pour vous que Jean complote, avec vous que les événements conspirent. — Car celui qui plonge sa sûreté dans le sang innocent — n’y trouve jamais qu’une sûreté sanglante et perfide. — Cet acte, si méchamment conçu, refroidira pour lui les cœurs — de tous ses sujets et glacera leur zèle, — au point qu’ils caresseront la plus petite occasion — qui s’offrira pour faire échec à son règne. — Il n’y aura pas d’exhalaison naturelle dans le ciel, — pas de caprice de la nature, pas de journée hors de saison, — pas d’orage ordinaire, pas d’événement habituel, — qui ne soient dépouillés de leur cause naturelle — et considérés comme des météores, des prodiges, des signes, — des monstres, des présages et des voix du ciel — dénonçant clairement la vengeance d’en haut contre Jean !

LOUIS.

— Il se peut qu’il ne touche pas à la vie du jeune Arthur — et qu’il se tienne pour rassuré par son emprisonnement.

PANDOLPHE.

— Ah ! seigneur, dès la première nouvelle de votre approche, — si le jeune Arthur n’est pas déjà expédié, — il meurt ; et alors tous les cœurs — se révoltent contre Jean ; — tous baisent aux lèvres le changement inconnu, — et expriment un venin de révolte et de fureur — du bout des