Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1866, tome 3.djvu/34

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sinane. Enfin, le 12 octobre, il veut franchir le golfe qui sépare la côte de Lincoln de la côte de Norfolk ; il engage son avant-garde sur la chaussée romaine, que le reflux de l’Océan laisse à découvert ; mais tandis qu’elle est en marche, la marée monte, et Jean voit du rivage s’engloutir dans les vagues ses meilleurs soldats, toutes ses munitions, tous ses trésors. Présage sinistre ! une lame a emporté la couronne d’Angleterre ! Frappé par ce désastre, le tyran s’affaisse : la défection de son peuple ne l’avait pas abattu, la révolte de la nature l’accable. Éperdu, épuisé, tremblant la fièvre, il se traîne jusqu’à l’abbaye la plus voisine, et c’est là, enfin, que l’égorgeur d’Arthur meurt empoisonné. Élevé par le guet-apens, Jean Sans-Terre succombe dans le guet-apens. « Après avoir perdu son armée, le roi Jean se rendit à l’abbaye de Swineshead, dans le comté de Lincoln. Ayant appris là que le blé serait à bon marché et abondant, il en manifesta un grand déplaisir : car la rancune qu’il gardait aux Anglais de l’avoir trahi en faveur de son adversaire le Dauphin était si grande, qu’il leur souhaitait toutes les misères possibles. Il s’écria donc, dans un accès de colère, qu’avant longtemps il ferait hausser de beaucoup le prix des grains. Sur quoi, un moine qui l’avait entendu parler, ému d’un beau zèle pour la délivrance de sa patrie, donna du poison au roi dans une coupe d’ale, à laquelle il avait goûté le premier pour ne pas éveiller les soupçons, et tous deux moururent à la fois. »


III


Sortons de ce sombre xiiie siècle où les monarchies s’improvisent par la trahison, par le parjure, par l’assassinat. Quand l’honnête homme a vécu par la pensée dans cette affreuse époque, il a le cœur serré, il étouffe, il a