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SCÈNE V.

HECTOR.

— Bien qu’aucun homme ne craigne moins les Grecs que moi, — pour ce qui me touche personnellement, cependant, — redoutable Priam, — il n’est pas de femme qui ait les entrailles plus tendres qu’Hector, qui soit plus spongieuse pour absorber l’inquiétude, — et plus prête à s’écrier : « Qui sait ce qui s’ensuivra ? » — La plaie de la paix, c’est la sécurité, — la sécurité sûre d’elle-même ; au contraire, une modeste défiance passe — pour le fanal du sage, — pour la sonde qui fouille — au fond du pire. Qu’Hélène s’en aille ! — Depuis que l’épée a été tirée pour cette querelle, — une âme sur dix nous était aussi chère qu’Hélène — dans la dîme énorme qui a été prélevée parmi nous. — Si nous avons été tant de fois décimés — en voulant garder une créature qui n’est pas des nôtres, et qui, — nous appartînt-elle, ne vaudrait pas dix d’entre nous, — pour quelle raison sérieuse refuserions-nous — de la rendre ?

TROYLUS.

Fi ! fi, mon frère ! — Voulez-vous donc peser la dignité et l’honneur d’un roi — aussi grand que notre vénéré père dans la balance — des poids vulgaires ? voulez-vous donc résumer en chiffres — l’excès de son immensité, — et resserrer une envergure illimitée — aux coudées étroites — des craintes et des raisons ? Fi donc ! au nom des dieux !

HÉLÉNUS.

Il n’est point étonnant que vous donniez ce coup de dent aux raisons, — en étant si dépourvu vous-même. Faut-il que notre père — se passe de raisons pour gouverner ses affaires, — parce que vous vous en passez pour parler ainsi ?

TROYLUS.

— Vous êtes fort pour les rêves et pour le sommeil,