Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/11

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INTRODUCTION.



Dans l’antiquité, la conscience humaine, soumise au panthéisme païen, offrait un prodigieux spectacle. Chaque passion qui envahissait l’âme, y pénétrait sous la figure auguste d’une divinité, venue du ciel ou de l’enfer. Un homme était-il amoureux ? il était mené par l’aveugle enfant Cupidon. Était-il jaloux ! il était entraîné par Junon aux yeux de bœuf. Se plaisait-il à la guerre et au massacre ? c’était Mars qui l’animait. Était-il avare ? il était inspiré par Plutus. Était-il pris de haine ? c’était Até qui l’obsédait. Était-il furieux ? il était possédé de Mégère. Alors, la succession continue des sentiments n’était qu’un perpétuel va-et-vient de puissances farouches et irrésistibles. Que pouvait, en effet, la volonté de l’homme contre des passions qui se confondaient avec les dieux mêmes et pour lesquelles la religion exigeait de lui un culte ? Comment eût-il combattu les idées de vengeance, lui qui tout à l’heure s’agenouillait dans le temple de Rhamnus devant la statue de Némésis ? Quel obstacle eût-il pu opposer aux pensées homicides, lui qui