Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
SCÈNE VI.
même : l’orgueil est son propre miroir, sa propre trompette, sa propre chronique. Quiconque se loue autrement qu’en action dévore son action en louange.
AJAX.

Je hais l’orgueilleux, comme je hais l’engeance des crapauds.

NESTOR, à part.

Et pourtant il s’aime, lui, n’est-ce pas étrange ?

Ulysse revient.
ULYSSE.

— Achille ne veut pas se battre demain.

AGAMEMNON.

— Quelle est son excuse ?

ULYSSE.

Il ne se rattache à aucune ; — il se laisse entraîner au courant de son humeur, — sans considération, sans égard pour personne, — par son caprice personnel et par sa présomption.

AGAMEMNON.

— Pourquoi ne veut-il pas, sur notre loyale requête, — sortir de sa tente et prendre l’air avec nous ?

ULYSSE.

— Les moindres choses, par cela seul qu’on les lui demande, — il les rend importantes. Il est possédé de sa grandeur ; — il ne se parle à lui-même qu’avec un orgueil — qui discute chacun de ses mots : son mérite imaginaire — entretient dans son sang une exaltation si forte et si ardente — qu’Achille en est ébranlé jusqu’au délire — dans son empire sur ses facultés mentales et actives, — et qu’il se frappe lui-même. Que vous dirai-je ? — Il est si désespérément orgueilleux que tous les symptômes mortels du mal — crient : Pas de remède !