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SCÈNE IX.
— qu’il le sent par sa chute même : les hommes sont des papillons qui n’étalent — qu’aux beaux jours leurs ailes veloutées. — Dans l’homme, ce n’est pas l’homme même — qu’on honore ; ce qu’on honore, ce sont les honneurs — qui sont en dehors de lui, le rang, la richesse, le crédit, — prix du hasard aussi souvent que du mérite. — Ce sont là des étais glissants : quand ils tombent, — l’affection, qui s’appuyait sur eux, glisse aussi — et, entraînée en même temps qu’eux, — elle meure de leur chute. Mais je n’en suis pas là : — la fortune et moi nous sommes amis ; j’ai gardé — pleinement tout ce que je possédais, — excepté les sourires de ces hommes. Il paraît qu’ils ont découvert — en moi quelque chose qui me rend indigne des riches attentions — qu’ils m’ont si souvent accordées.
Ulysse s’avance les yeux fixés sur un papier.

Voici Ulysse. Je vais interrompre sa lecture… — Eh bien, Ulysse !

ULYSSE.

Eh bien, grand fils de Thétis ?

ACHILLE.

— Que lisez-vous là ?

ULYSSE.

Une lettre d’un étrange gaillard. — Il m’écrit que l’homme, quelque richement partagé qu’il soit, — quels que soient ses attributs extérieurs ou intérieurs, — ne peut se vanter d’avoir ce qu’il a, — et n’a le sentiment de ce qu’il possède, que par réflexion. — Ainsi ses vertus rayonnent leur chaleur sur d’autres — qui à leur tour la renvoient à celui — dont elle émane.

ACHILLE.

Cela n’a rien d’étrange, Ulysse. — La beauté qui se porte ici, sur le visage, — est ignorée du porteur lui-même, et n’a d’éclat — qu’aux yeux des autres ; l’œil lui-