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SCÈNE IX.
arithmétique que sa tête pour établir ses comptes ; il se mord la lèvre d’un air politique, comme s’il se disait : « Il y a de l’esprit dans cette tête-là : s’il voulait sortir ! » Et il y en a en effet ; mais il couve en lui aussi froidement que le feu dans un caillou ; pour qu’il se montre, il faut le frapper. Cet homme-là est perdu sans retour ; car, si Hector ne lui casse pas le cou dans le combat, il se le cassera lui-même par vaine gloire. Il ne me reconnaît plus. Je lui dis : Bonjour, Ajax, et il me répond : Merci, Agamemnon. Que pensez-vous d’un homme qui me prend pour le général ? Il est passé à l’état de poisson de terre, d’être sans nom, de monstre. Foin de la renommée ! un homme peut la porter, comme un justaucorps de cuir, à l’envers aussi bien qu’à l’endroit.
ACHILLE.

Il faut que tu sois mon ambassadeur auprès de lui, Thersite.

THERSITE.

Qui, moi ? Mais il ne veut répondre à personne ; il fait profession de ne pas répondre ; parler est bon pour les gueux : lui, il porte sa langue à bras tendu. Je vais mimer sa personne ; que Patrocle me fasse les demandes ; vous allez voir la représentation d’Ajax.

ACHILLE.

Parle-lui, Patrocle ; dis-lui que je demande humblement au vaillant Ajax d’inviter le très-valeureux Hector à venir désarmé dans ma tente, et de lui obtenir un sauf-conduit du magnanime, du très-illustre et six ou sept fois honorable capitaine général de l’armée grecque, Agamemnon, etc. Va.

PATROCLE, se tournant vers Thersite.

Que Jupiter bénisse le grand Ajax !

THERSITE.

Humph !