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LE CONTE D’HIVER.
Grâce ! — Déjà, n’est-ce pas ? j’avais une fois parlé à propos. Quand ? — voyons, dites-le-moi ; je brûle.
LÉONTE.

Eh bien, c’est quand, — après trois maussades mois aigrement consumés — à attendre l’instant où ta blanche main s’ouvrirait dans la mienne — et m’accorderait ton amour, tu me dis enfin : — « Je suis à vous pour jamais. »

HERMIONE.

Cet aveu, en effet, était la Grâce même. — Eh bien, vous voyez, j’ai parlé à propos deux fois. — La première, j’ai gagné pour toujours un royal mari ; — la seconde, un ami, pour quelque temps.

Elle donne la main à Polixène.
LÉONTE, à part.

Trop de chaleur ! Trop de chaleur ! — Mêler si intimement les sympathies, c’est mêler les personnes. — Je me sens un frisson ; mon cœur danse, — mais pas de joie. L’amabilité — peut aller visage découvert ; elle peut être autorisée à une certaine liberté — par la bienveillance, par la générosité et l’expansion du cœur, — et n’avoir rien que de bienséant ; elle le peut, je l’accorde. — Mais en être aux serrements de mains et aux pincements de doigts, — comme ils sont en ce moment, et se faire des sourires d’intelligence — comme dans un miroir, et puis soupirer, — comme si c’était — le hallali d’un cerf. Oh ! cette amabilité-là — ne va pas à mon cœur, ni à mon front… Mamilius, — es-tu mon enfant ?

MAMILIUS.

Oui, mon bon seigneur.

LÉONTE.

En vérité ? — Ah ! voilà mon beau mâle. Comment ! aurais-tu barbouillé ton nez ? — On dit qu’il est la copie du mien. Surtout, capitaine, — ne reste pas le corps nu