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LE CONTE D’HIVER.
blesse, — si la cause n’en était vivante encore. Je tiens du moins une partie de la cause, — elle, l’adultère… Quant au roi ruffian, — il est inaccessible à mon bras, hors de l’atteinte — et de la portée de ma rancune, à l’épreuve du complot : mais — je puis jeter le grappin sur elle. Elle une fois disparue — et livrée aux flammes, je pourrais retrouver encore — la moitié de mon repos… Holà ! quelqu’un !
PREMIER HUISSIER, s’avançant.

Monseigneur ?

LÉONTE.

— Comment va le garçon ?

PREMIER HUISSIER.

Il a bien reposé cette nuit ; — on espère que sa maladie est terminée.

LÉONTE.

Jugez de sa noblesse ! — Concevant le déshonneur de sa mère, — aussitôt il a décliné, il s’est étiolé, affecté profondément ; — il a enfoncé et fixé en lui-même le stigmate ; — il a perdu la vivacité, l’appétit, le sommeil, — et est tombé en langueur… Laissez-moi seul ; allez — voir comment il se porte.

L’huissier sort.

Fi ! fi ! ne pensons plus à l’homme ! — De ce côté, mes pensées de représailles — ricochent contre moi : il est trop puissant par lui-même, — par ses partisans, par ses alliances ; qu’il vive — jusqu’à ce que le moment soit favorable ! Pour la vengeance immédiate, — faisons-la tomber sur elle. Camillo et Polixène — rient de moi ; ils se font un amusement de ma douleur : — ils ne riraient pas, si je pouvais les atteindre, pas plus — qu’elle ne rira, elle qui est en mon pouvoir.

Il s’assied sur le trône, et semble absorbé.