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CYMBELINE.

LA REINE.

— Elle pleure toujours, dis-tu ? Ne crois-tu pas que le temps — étanchera ses larmes, et qu’elle laissera la raison prendre — en elle la place de la folie ? Mets-toi à l’œuvre ; — et, quand tu viendras m’annoncer qu’elle aime mon fils, — je te dirai alors : Pisanio, tu es — aussi grand que ton maître, plus grand même ; car — sa fortune succombe et n’a plus le souffle, car sa gloire — est à sa dernière convulsion. Revenir ! il ne le peut pas plus — que rester où il est ; changer de place, — ce n’est pour lui que changer de misère ; — et chaque jour qui arrive n’arrive que pour le dégrader — d’un jour de plus ! Que peux-tu attendre — en t’appuyant sur un être qui chancelle — et qui, impossible à relever, n’a pas assez d’amis, — même pour le soutenir ?

La reine laisse tomber la boîte que Cornélius lui a remise. Pisanio la ramasse.

Tu ne sais pas — ce que tu ramasses là ; eh bien, garde-le pour ta peine ; — c’est un cordial que j’ai fait et qui cinq fois déjà — a arraché le roi à la mort : je n’en connais pas — de plus efficace… Allons, je t’en prie, garde-le : — garde-le comme arrhes de tout le bien — que je te veux encore. Éclaire ta maîtresse — sur sa situation ; fais-le, comme de toi-même ; — songe à la chance nouvelle que tu te crées : songe, en effet, — que tu conserves toujours ta maîtresse, et que de plus tu as mon fils — qui s’occupera de toi. J’obtiendrai du roi — ton élévation, sous la forme — que tu désireras ; et enfin moi-même, moi surtout, — qui aurai contribué à ta juste grandeur, je m’engage — à accabler ton mérite de mes libéralités… Appelle mes femmes : — songe à ce que j’ai dit…

Pisanio sort.

Un maraud sournois et fidèle ! — L’agent inébranlable de son maître ! — Le conseiller qui sans cesse raffermit