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SCÈNE VI.

OTHELLO.

— Digne Montano, vous étiez de mœurs civiles ; — la gravité et le calme de votre jeunesse — ont été remarqués par le monde, et votre nom est grand — dans la bouche de la plus sage censure. Comment se fait-il — que vous gaspilliez ainsi votre réputation, — et que vous échangiez votre riche renom pour le titre — de tapageur nocturne ? Répondez-moi.

MONTANO.

— Digne Othello, je suis dangereusement blessé. — Votre officier Iago peut, — en m’épargnant des paroles qui en ce moment me feraient mal, — vous raconter tout ce que je sais. Je ne sache pas — que cette nuit j’aie dit ou fait rien de blâmable, — à moins que la charité pour soi-même ne soit parfois un vice, — et que ce ne soit un péché de nous défendre — quand la violence nous attaque.

OTHELLO.

Ah ! par le ciel, — mon sang commence à dominer mes inspirations les plus tutélaires, — et la colère, couvrant de ses fumées mon calme jugement, — essaye de m’entraîner. Pour peu que je bouge, — si je lève seulement ce bras, le meilleur d’entre vous — s’abîmera dans mon indignation. Dites-moi — comment cette affreuse équipée a commencé et qui l’a causée ; — et celui qui sera reconnu coupable, — me fût-il attaché dès la naissance comme un frère jumeau, — je le rejetterai de moi… Quoi ! Dans une ville de guerre, — encore frémissante, où la frayeur déborde de tous les cœurs, — engager une querelle privée et domestique, — la nuit, dans la salle des gardes, un lieu d’asile ! — C’est monstrueux !… Iago, qui a commencé ?

MONTANO, à Iago.

— Si, par partialité d’affection ou d’esprit de corps,