Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
393
SCÈNE XVI.
n’appuya — sur la cuisse d’un soldat. J’ai vu le jour — où, avec ce faible bras et cette bonne lame, — je me suis fait un chemin à travers des obstacles — vingt fois plus puissants que votre résistance. Mais, ô vaine forfanterie ! — qui peut maîtriser sa destinée ? Il n’en est plus ainsi à présent ! — Ne vous effrayez pas, même en me voyant armé. — Voici le terme de mon voyage, en voici le but, — voici le point de repère de ma voile épuisée ! — Vous reculez d’effroi ? Crainte superflue ! — Menacez seulement d’un roseau la poitrine d’Othello, — et il reculera… Où donc irait Othello ?
Contemplant Desdémona.

— Ah ! quelle mine tu as maintenant, fille de mauvaise étoile ! — Pâle comme ta chemise ! — quand nous nous rencontrerons au jour du jugement, — ton apparition précipitera mon âme du ciel, — et les démons l’attraperont. Froide ! Froide, ma fille ! — Froide comme ta chasteté !… — Ô maudit, maudit scélérat !… Fouettez-moi, démons, — loin des jouissances de cette vision céleste ! — Soufflez-moi dans vos ouragans ! Rôtissez-moi dans le soufre ! — Lavez-moi aux torrents profonds de la flamme liquide !… — Ô Desdémona ! Desdémona ! Morte ! — morte ! Oh ! oh ! oh !

Entrent Lodovico, Montano, Cassio, porté sur un brancard, puis des officiers conduisant sous escorte Iago prisonnier.
LODOVICO.

— Où est ce forcené ? où est ce malheureux ?

OTHELLO.

— Voici celui qui fut Othello : me voici.

LODOVICO, cherchant Iago.

— Et où est cette vipère ? Faites avancer ce scélérat !