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APPENDICE.

couchoit avec Disdemone : que pour cette même occasion il l’avoit tuée, et puis fait courir le bruit que le plancher tombé l’avoit occise.

Le caporal ayant entendu cela, accusa le More à la seigneurie, et de sa jambe coupée, et du meurtre de Disdemone, et amena pour témoin l’enseigne, qui dit que l’un et l’autre étoit vrai, pource que le More lui avoit communiqué tout, et l’avoit voulu induire à faire le mal, qu’ayant occis sa femme par jalousie, il lui avoit conté la manière qu’il avoit tenu, pour la faire mourir.

Les seigneurs Vénitiens, ayant entendu la cruauté usée par le barbare, envers une leur citoyenne, firent prendre le More en Cipre, et le firent amener à Venise, et par plusieurs tourmens tâchèrent d’en tirer la vérité.

Mais surmontant par son courage, tout martyre, il nia tout, si constamment, que l’on n’en pût tirer aucune chose.

Ce néanmoins il fut condamné à perpétuel exil, où en fin il fut occis par les parens de Disdemone, comme il méritoit.

L’enseigne s’en alla en son pays, et ne voulant faillir à sa coutume, il accusa un sien compagnon, disant qu’il l’avoit requis de tuer un sien ennemi, qui étoit gentilhomme : à raison de quoi, celui-là fut pris, et lui fut baillée la gêne, et niant ce que disoit l’accusateur, l’enseigne fut aussi gêné, en telle manière, qu’il fut tout rompu, par l’intérieur, et étant sorti de prison et mené en sa maison, il mourut misérablement.

Et Dieu fit telle vengeance de l’innocence de Disdemone.

La femme de l’enseigne, qui savoit le fait, récita tout cela, après qu’il fut mort, comme je vous l’ai raconté.


FIN DE L APPENDICE.