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SONNETS.

CXV

Qu’on ne traite pas mon amour d’idolâtrie, ni mon bien-aimé d’idole, parce que mes chants et mes louanges, sans cesse dédiés à lui, ne parlent que de lui, encore et toujours les mêmes !

Charmant est mon bien-aimé, aujourd’hui comme demain, constant à jamais dans sa merveilleuse excellence : aussi ma poésie, forcée à la constance, n’exprimant qu’une seule chose, ne connaît pas la digression.

Beauté, bonté, vertu, voilà tout mon sujet. Beauté, bonté, vertu, voilà mon refrain en mots divers, et c’est dans la variante que je dépense mon imagination. Thème merveilleux que cette trinité en une seule personne !

Beauté, bonté, vertu, ont longtemps vécu séparées ; et c’est la première fois que toutes trois sont réunies.

CXVI

Pourquoi ma poésie est-elle ainsi dénuée des caprices nouveaux, et se garde-t-elle ainsi des variations et des changements subits ? Pourquoi, selon la mode du moment, ne tourné-je pas les regards vers les méthodes nouvelles et les formules étrangères (15) ?

Pourquoi suis-je un écrivain toujours un, toujours identique, et fais-je garder à mon idée son vêtement habituel, si bien que chaque mot dit presque mon nom, en trahissant sa naissance et son origine ?