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LE VIOL DE LUCRÈCE.

des rides ! Mon cœur ne contrariera jamais mes yeux ; les graves pauses et les profondes réflexions conviennent au sage ; mon rôle à moi est la jeunesse, et il les exclut de la scène. Le désir est mon pilote, la beauté ma prise ; qui donc craint de sombrer là où s’offre un tel trésor ? »

XLI

Telle que le blé envahi par l’ivraie, la prudente inquiétude est presque étouffée par l’irrésistible luxure. Il s’avance furtivement, l’oreille au guet, plein d’une sombre espérance, et plein d’une frénétique méfiance ; toutes deux, servantes d’un mauvais être, le troublent tellement de leurs suggestions opposées, que tantôt il se prononce pour la paix, tantôt pour l’invasion.

XLII

Il voit se dresser dans sa pensée l’image de la céleste Lucrèce, et à côté d’elle celle de Collatin ; le regard qu’il fixe sur Lucrèce lui trouble la raison ; le regard qu’il arrête sur Collatin, regard plus pur, se refuse à une contemplation perfide et adresse un vertueux appel au cœur de Tarquin. Mais ce cœur une fois corrompu prend le pire parti.

XLIII

Il surexcite intérieurement ses forces serviles qui, flattées de la démonstration joyeuse de leur maître, augmentent son désir, comme les minutes remplissent l’heure, et règlent leur audace sur celle de leur capitaine, lui offrant un trop servile tribut. Ainsi follement