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SCÈNE XII.

coriolan.

Que Vos Seigneuries me pardonnent ! — J’aimerais mieux avoir de nouveau à panser mes blessures — que d’entendre dire comment je les ai reçues.

brutus.

Monsieur, ce ne sont pas, j’espère, — mes paroles qui vous arrachent à votre siége.

coriolan.

Non, monsieur ; souvent néanmoins — les paroles m’ont fait fuir, moi que les coups ont toujours fait rester. — Vous ne m’avez pas flatté, et partant pas blessé. Quant à votre peuple, — je l’aime comme il le mérite.

ménénius.

Je vous en prie, asseyez-vous.

coriolan.

— J’aimerais mieux me faire gratter la tête au soleil, — tandis que sonnerait la fanfare d’alarme, que d’entendre, paresseusement assis, — faire un monstre de mon néant.

Il sort.
ménénius, aux tribuns.

Chefs du peuple, — comment voulez-vous qu’il flatte votre fretin populaire, — où il y a un homme de bien sur mille, quand, comme vous voyez, — il aimerait mieux exposer tous ses membres à accomplir un exploit — qu’une seule de ses oreilles à l’entendre raconter ?… Parlez, Cominius.

cominius.

— L’haleine me manquera ; les actes de Coriolan — ne sauraient être dits d’une voix débile. On convient — que la valeur est la vertu suprême, celle — qui ennoblit le plus : si cela est, — l’homme dont je parle n’a pas dans le monde un égal — qui lui fasse contre-poids. À seize ans, — quand Tarquin se jeta sur Rome, il se signala — plus que tous. Notre dictateur d’alors, — que je désigne avec admiration, le vit combattre — et, avec un menton d’amazone, chasser — devant lui maintes moustaches