Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1872, tome 9.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
SCÈNE I.

souvent ne trouve pas de mots pour raconter — ce qu’elle entend faire ?… Monseigneur de Bourgogne, — que dites-vous de madame ?… L’amour n’est pas l’amour, — quand il s’y mêle des considérations étrangères — à son objet suprême. Voulez-vous d’elle ? — Elle est elle-même une dot.

le duc de bourgogne.

Royal Lear, — donnez seulement la dot que vous-même aviez offerte, — et à l’instant je prends par la main Cordélia, — duchesse de Bourgogne !

lear.

— Rien !… J’ai juré ; je suis inébranlable.

le duc de bourgogne, à Cordélia.

— Je suis fâché que, pour avoir ainsi perdu un père, — vous deviez perdre un mari.

cordélia.

La paix soit avec messire de Bourgogne ! — Puisque des considérations de fortune font tout son amour, — je ne serai pas sa femme.

le roi de france.

— Charmante Cordélia, toi que la misère rend plus riche, — le délaissement plus auguste, l’outrage plus adorable, — toi, et tes vertus, vous êtes à moi. — Qu’il me soit permis de recueillir ce qu’on proscrit… — Dieux ! dieux ! N’est-ce pas étrange que leur froid dédain — ait échauffé mon amour jusqu’à la passion ardente ?…

À Lear.

Roi, ta fille sans dot, jetée au hasard de mon choix, — régnera sur nous, sur les nôtres et sur notre belle France. — Et tous les ducs de l’humide Bourgogne — ne rachèteraient pas de moi cette fille précieuse et dépréciée ! — Dis-leur adieu, Cordélia, si injustes qu’ils soient. — Tu retrouveras mieux que tu n’as perdu.

lear.

— Elle est à toi, Français : prends-la ; une pareille