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LE ROI LEAR.

glocester.

— Va, éloigne-toi, mon bon ami, pars ; — tes secours me sont inutiles — et peuvent t’être funestes.

le vieillard.

— Hélas ! messire, vous ne pouvez pas voir votre chemin.

glocester.

— Je n’ai pas de chemin, je n’ai donc pas besoin d’yeux. — Je suis tombé quand j’y voyais. Cela arrive souvent : — nos ressources nous leurrent, tandis que nos privations mêmes — tournent à notre avantage… Oh ! cher fils Edgar, — toi sur qui s’est assouvie la fureur de ton père abusé, — si je pouvais seulement te voir par le toucher, je dirais que j’ai retrouvé mes yeux.

le vieillard.

Hé ! qui est là ?

edgar, à part.

— Ô dieux ! Qui peut dire : Je suis au comble du malheur ? — Je suis plus malheureux que jamais je ne l’ai été.

le vieillard.

C’est Tom, le pauvre fou.

edgar, à part.

— Et je puis être plus malheureux encore. Le malheur n’est pas comblé — tant qu’on peut dire : En voilà le comble !

le vieillard.

— L’ami, où vas-tu ?

glocester.

Est-ce un mendiant ?

le vieillard.

Fou et mendiant à la fois.

glocester.

— Il lui reste quelque raison : sans quoi il ne pourrait mendier. — Pendant la tempête de la nuit dernière, j’ai vu