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APPENDICE.

Ce cuida qu’elle s’amendât
Et comme père l’honorât.
Mais celle le ciel en jura
Que jà od lui ne remanra
Ne mais que un seul chevalier[1].
Al pere l’estut otroier[2] :
Dont se commence à contrister
Et en son cœur à pourpenser
Les biens qu’il avoit eus,
Mais or les avoit tous perdus :
Las moi, dit-il, trop ai vécu,
Quand je ai ce mal tant vu ;
Tant ai eu, or ai si poi.
Où est aie quanque jo oi[3] ?
Fortune, par trop es muable,
Tu ne peux être un jour estable.
Nul ne se doit en toi fier,
Tant fais ta roue fort tourner.
Moult as tôt ta couleur muée.
Tôt es chaoite, tôt levée[4].
Qui tu veux de bon œil véoir,
Tôt l’as monté en grand avoir ;
Et dès que tu tournes ton vis,
Tôt l’as d’auques à néant mis[5].
Tôt as un vilain haut levé,
Et un roi en plus bas tourné.
Comtes, rois, ducs, quand tu veux plesses
Que tu nulle rien ne leur laisses[6].
Tant com je sui rices manans[7],
Tant ai jo amis et parens,
Et dès que jo, las ! appauvri,
Sergans, amis, parens perdi.

  1. Qu’avec lui ne restera jamais qu’un seul chevalier.
  2. Force fut au père de consentir.
  3. Qu’est devenu tout ce que je possédais ?
  4. Chaoite, participe de l’ancien verbe chaoir, choir.
  5. Tu l’as bientôt réduit de quelque chose à néant.
  6. Rien a ici le sens de chose.
  7. Tant que je suis riche propriétaire. Manant signifiait alors possesseur du sol.