Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 12.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suis au bout de mon rouleau. Donnez-moi votre réponse, , franchement ; puis tapons-nous dans la main, et marché conclu ! qu’en dites-vous, ma dame ?

catherine.

Sauf vostre honneur, moi comprendre bien.

le roi de france.

Morbleu ! si vous voulez que je fasse des vers, ou que je danse pour vous plaire, Kate, je suis un homme perdu. Pour les vers, je n’ai ni les paroles ni la mesure ; et, pour la danse, je ne suis pas assez fort sur la mesure, quoique j’aie une raisonnable mesure de force. Si je pouvais conquérir une belle au cheval fondu, en sautant en selle avec mon armure sur le dos, soit dit sans me vanter, je me serais bien vite colloqué en femme. Si j’avais à faire le coup de poing pour ma bien-aimée ou à faire caracoler mon cheval pour avoir ses faveurs, je pourrais boxer comme un boucher, ou me tenir en croupe comme un singe, sans jamais tomber ; mais, vive Dieu ! Kate, je ne puis faire le vert galant, ni user mon éloquence en soupirs, et je n’entends pas malice aux protestations. Rien qu’une bonne parole que je ne donne jamais que quand elle est exigée, et que je n’enfreins jamais, pour aucune exigence. Si tu peux, Kate, aimer un gaillard de cette trempe, dont la figure ne vaut plus la peine d’être brûlée du soleil, qui jamais ne jette les yeux dans son miroir pour le plaisir d’y voir quoi que ce soit, eh bien, fais de ton regard ton officier de bouche. Je te parle en franc soldat. Si tu peux m’aimer comme ça, prends-moi ; sinon, te dire que je mourrai, ce serait dire vrai ; mais, par amour pour toi, vrai Dieu ! non pas ! Pourtant je t’aime. Va, chère Kate, tant que tu vivras, prends un compagnon d’une constance simple et sans alliage, car il sera forcé de se bien conduire à ton égard, n’ayant pas le don de conter fleurette ailleurs. Quant à ces gaillards à la langue