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HENRY VI.

le gouverneur.

— Ah ! Clifford ! ne tuez pas cet enfant innocent, — de peur d’être haï de Dieu et de l’humanité.

Il sort traîné par des soldats.
clifford, regardant Rutland.

— Et quoi ! est-il déjà mort ? ou est-ce la peur — qui lui fait fermer les yeux ?… Je vais les lui ouvrir.

rutland.

— Ainsi le lion affamé regarde l’être misérable — qui tremble sous sa griffe vorace ; — et ainsi il vient insulter à sa proie ; — et ainsi il s’avance pour la mettre en lambeaux. — Ah ! bon Clifford, tue-moi avec ton épée, — et non d’un regard si cruellement menaçant. — Doux Clifford, écoute-moi avant que je meure. — Je suis pour ta fureur un sujet trop chétif ; — venge-toi sur des hommes, et laisse-moi vivre.

clifford.

— C’est en vain que tu parles, pauvre enfant ; le sang de mon père — a fermé l’issue où devraient pénétrer tes paroles.

rutland.

— Eh bien ! que le sang de mon père la rouvre : — c’est un homme, lui ; Clifford, mesure-toi avec lui.

clifford.

— Eussé-je ici tes frères, leurs vies et la tienne — ne suffiraient pas à ma vengeance ; — non, quand j’aurais fouillé les tombeaux de tes ancêtres — et pendu à des chaînes leurs cadavres pourris, — mon courroux ne serait pas éteint, ni mon cœur soulagé. — La vue de quelqu’un de la maison d’York — est une furie qui tourmente mon âme. — Et jusqu’à ce que j’aie extirpé cette race maudite, — sans en laisser un seul vivant, je vis en enfer. — Donc…

Il lève le bras.
rutland.

— Oh ! laisse-moi prier avant de recevoir la mort. —