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HENRY VI.

les lions sont en guerre et se disputent leur antre, — les pauvres innocents agneaux pâtissent de leur inimitié. — Pleure, malheureux homme, je te seconderai larme à larme. — Qu’à l’avenant de la guerre civile nos yeux — s’aveuglent de larmes, nos cœurs se brisent de douleur !


Entre un Père qui a tué son fils, portant le cadavre dans ses bras.
le père.

— Ô toi qui m’as si énergiquement résisté, — donne-moi ton or, si tu as de l’or ; — car je l’ai acheté au prix de cent coups. — Mais voyons… est-ce là le visage de mon ennemi ? — Oh ! non, non, non ! C’est mon fils unique ! — Ah ! mon enfant, s’il te reste encore quelque vie, — lève les yeux… Vois, vois, quelle pluie de larmes tombe, — chassée par les orages de mon cœur, — sur tes blessures qui me crèvent les yeux et le cœur ! — Oh ! ayez pitié, mon Dieu, de cet âge misérable ! — Que de forfaits cruels, sanglants, — erronés, révoltants, monstrueux, — engendre chaque jour cette meurtrière querelle ! — Ô mon enfant, ton père t’a donné la vie trop tôt, — et te l’a enlevée pour t’avoir reconnu trop tard.

le roi henry.

— Désastres sur désastres ! douleurs au-dessus des communes douleurs ! — Oh ! si ma mort pouvait mettre fin à ces actes lamentables ! — Oh ! pitié, pitié ! ciel clément, pitié ! — Je vois sur ce visage la rose rouge et la rose blanche, — fatales couleurs de nos maisons rivales : — ce sang a toute la pourpre de l’une ; — cette joue a bien, il me semble, toute la pâleur de l’autre. — Que l’une des deux roses se flétrisse et laisse l’autre fleurir ! — Si vous continuez à lutter, des milliers de vie devront se flétrir.

le fils.

— Quels incessants reproches m’adressera ma mère — sur la mort de mon père !