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SCÈNE XXV.

des innocents est une exécution, — eh bien, tu es un exécuteur.

richard.

— J’ai tué ton fils à cause de son insolence.

le roi henry.

— Si l’on t’avait tué dès ta première insolence, — tu n’aurais pas vécu pour tuer mon fils. — Aussi je prédis que des milliers d’êtres, — qui en ce moment ne soupçonnent même pas mes alarmes, — vieillards et veuves en sanglots, orphelins toujours en larmes, — pères pleurant leurs fils, femmes pleurant leurs maris, — orphelins pleurant leurs parents prématurément enlevés, — maudiront l’heure où tu es né. — À ta naissance le hibou jeta sa huée de mauvais augure ; — le corbeau nocturne annonça par ses croassements un temps de calamité ; — les chiens hurlèrent, et d’effroyables tempêtes abattirent les arbres ; — la corneille se nicha au haut des cheminées, — et les pies bavardes chantèrent dans un sinistre désaccord. — Ta mère souffrit plus que les douleurs d’une mère, — pour mettre au monde moins que l’espoir d’une mère, — une masse indigeste et difforme, — fruit monstrueux d’une souche si belle ! — Tu naquis, ayant déjà des dents dans la bouche, — pour signifier que tu venais pour mordre le monde ; — et, si tout ce que j’ai ouï dire est vrai, — tu vins…

richard.

— Je n’en entendrai pas davantage… Meurs, prophète, au milieu de ton apostrophe.

Il poignarde le roi.

— C’est pour ceci également que j’ai été créé.

le roi henry.

— Oui, et pour bien d’autres meurtres après celui-ci. — Oh ! que Dieu absolve mes péchés, et te pardonne !

Il meurt.
richard.

— Quoi ! le sang altier de Lancastre — s’abîme en terre !