Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1873, tome 13.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
406
HENRY VIII.

l’onde. Votre Altesse me permettra-t-elle — maintenant de dire le bien que je pense de lui ?

catherine.

Oui, bon Griffith ; — autrement je serais malveillante.

griffith.

Ce cardinal, — quoique d’une humble souche, était assurément — formé pour une grande illustration. À peine hors du berceau, — c’était un savant déjà mûr et capable ; — excessivement sagace, disert et persuasif, — hautain et aigre pour ceux qui ne l’aimaient pas, — mais, pour les gens qui le recherchaient, doux comme l’été. — Et quoique, pour acquérir, il fût insatiable, — ce qui était un péché, pour donner, madame, — il était vraiment princier. Témoin à jamais — ces deux jumeaux de la science, qu’il a élevés sous vos auspices, — Ipswich et Oxford ; l’un, qui est tombé avec lui, — n’ayant pas voulu survivre à son bienfaiteur ; — l’autre, qui, bien qu’imparfait encore, est déjà si fameux, — si excellent dans la science, si sûr en ses progrès — que la chrétienté vantera à jamais ses mérites. — La chute du cardinal a entassé sur lui les félicités ; — car c’est alors, et alors seulement, qu’il a eu conscience de lui-même, — et qu’il a connu le bonheur d’être petit. — Et, ce qui a honoré sa vieillesse — plus qu’aucun homme n’eût pu le faire, il est mort dans la crainte de Dieu (72).

catherine.

— Après ma mort, je ne veux pas d’autre héraut, — d’autre historien des actes de ma vie, — pour garantir mon honneur de la calomnie, — qu’un chroniqueur honnête comme Griffith. — Celui que je haïssais vivant, tu m’as obligé, — par ta religieuse et modeste sincérité, — à l’honorer aujourd’hui dans sa cendre. Que la paix soit avec lui ! — Patience, reste encore près de moi, et place-moi plus bas ; — je n’ai plus longtemps à t’importuner…