Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Montégut, Hachette, 1867, tome 3.djvu/28

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ACTE I, SCÈNE II. 21.

ROSALINDE. — Oui, parbleu ! démuselez un peu votre sagesse.

PIERRE DE TOUCHE. — Eh bien ! levez-vous toutes deux, frottez-vous le menton, et jurez par vos barbes que je suis un coquin.

CÉI.IA. — Par nos barbes, si nous en avions, tu es un coquin.

PIERRE DE TOUCHE. — Par ma coquinerie, si j’en avais une, je serais un coquin ; mais si vous jurez par ce qui n’est pas, vous n’êtes pas parjures : c’était précisément le cas de mon chevalier lorsqu’il jurait sur son honneur, car il n’en avait jamais eu aucun, ou, s’il en avait eu un, il l’avait abjuré longtemps avant d’avoir vu lesdites crêpes et ladite moutarde.

CÉLIA. — De qui veux-tu parler, je te prie ?

PIERRE DE TOUCHE. — De quelqu’un qu’aime votre père, 3e vieux Frédéric.

CÉLIA. — L’affection de mon père suffit à l’honorer. Assez ! ne parlez plus de lui : un de ces jours vous serez fouetté pour médisance.

PIERRE DE TOUCHE. — C’est grande pitié que les fous ne puissent pas exprimer sagement ce que les sages font follement.

CÉLIA. — Par ma foi, tu dis vrai ; car depuis qu’on a réduit au silence le peu d’esprit qu’avaient les fous, le peu de folie qu’avaient les sages s’en donne à son aise. Voici venir Monsieur Lebeau.

E.OSALIKDE. — Avec sa bouche pleine de nouvelles.

CÉLIA. — Qu’il va nous dégorger à la manière des pigecns quand ils nourrissent leurs petits.

PLOSALINDE. — De sorte que nous allons être engraissées de nouvelles.

CÉLIA. — Tant mieux ; nous n’en vaudrons que plus cher sur le marché.

Entre LEBEAU.

CÉLIA. — Bonjour, monsieur Lebeau ; quelles nouvelles ?

LEBEAU. — Belle princesse, vous avez perdu un bien beat divertissement.