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DE PERCY BYSSHE SHELLEY

le parti de les flatter plutôt que de les contrarier ; je m’arrangeai pour me faire inviter à dîner en même temps que lui, et je ne manquai jamais de proposer un toast au ministre. Je mis sur le tapis la politique, et je défendis le parti tory dans de longues harangues ; je fréquentai les clubs et les dîners publics où l’on le soutenait. Je ne sais si cette conduite était justifiable ; elle peut certainement être excusée si l’on considère impartialement ma situation sous toutes les faces. Je me déchirerais en morceaux si je soupçonnais que j’ai pu me rendre coupable de la moindre fausseté ou prévarication ; (voir dans les lettres de Lord Chesterfield la distinction à la mode courtisane entre la simulation et la dissimulation) mais il n’y avait rien de cela en ce cas. Je n’étais d’aucun parti, par conséquent, je ne pouvais être accusé d’en abandonner aucun. Je ne me faisais pas le champion de l’injustice d’un corps ; je ne me faisais pas le détracteur du mérite des gens de bien. Je louais ce qui était louable dans le parti tory, et blâmais ce qui était répréhensible chez les Whigs ; je me taisais sur tout ce qui pouvait être coupable chez les premiers, ou digne d’éloge chez les derniers. C’était un stratagème innocent, puisqu’il ne faisait de tort à qui que ce fût, et qu’il tendait au bonheur de deux personnes, d’autant que l’une d’elles était la femme la plus aimable que le monde ait jamais connue. »

Nous ne nous souvenons pas d’avoir jamais rencontré un exemple d’une plus déplorable perversion de l’intelligence humaine. Elle nous persua-