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28 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

et la solitude, et fuis-tu le palais que je t’ai bâti ?... Paix sacrée ! Oh ! visite-moi une seule fois, et dans ta pitié verse une seule goutte de baume sur mon âme desséchée ! »

MAB

« Homme vain ! son palais, c’est le cœur vertueux, et la paix ne salit pas ses vêtements de neige dans un taudis tel que le tien !... Ecoute ! il murmure encore... Ses sommeils ne sont que des agonies variées, ils sucent comme des scorpions les sources de la vie. Il n’est pas besoin de l’enfer fabriqué par les bigots pour punir ceux qui errent ; la terre en soi contient à la fois et le mal et le remède ; et la nature qui suffit à tout peut châtier ceux qui transgressent sa loi ; elle seule sait comment proportionner équitablement à la faute le châtiment qu’elle mérite.

« Est-il donc étrange que ce pauvre misérable s’enorgueillisse dans son malheur ? Qu’il trouve son plaisir dans son abjection, et presse contre son sein le scorpion qui le dévore ? Est-il étrange qu'assis sur un glorieux trône d’épines, étreignant un sceptre de fer, muré dans une splendide prison, dont les durs liens l’enchaînent loin de tout ce qui est bon et précieux sur terre... son âme ne revendique pas son humanité ? que la douce nature de l’homme ne s'insurge pas contre la prérogative du roi ?.. Non, cela n’est pas étrange. A l’exemple du vulgaire. il pense, seul, agit et vit juste comme a fait son père ; les pouvoirs invincibles du précédent et de la coutume s’interposent entre un roi et la vertu ! Ce qui peut paraître plus étrange à ceux qui ne connaissent pas la nature et ne savent pas déduire l’avenir du présent,